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On peut se demander pourquoi, en cette approche du troisième millénaire, le théâtre reste un des derniers secteurs professionnels où des conditions de travail minimales ne sont pas définies par une véritable convention collective rendue obligatoire par arrêté royal[1].
Le "Comité national paritaire pour les entreprises de spectacle - section des entreprises théâtrales" se réunit pour la première fois le 21 avril 1938, au Ministère du travail et de la prévoyance sociale, à Bruxelles. Le président précise qu'il s'agit d'une «institution de bonne volonté sans aucun statut légal» mais néanmoins habilitée à «faire respecter les décisions qu'elle prendra grâce à l'engagement moral de ses membres». «Elle est chargée de délibérer sur les conditions de rémunération et de travail dans les entreprises théâtrales.» «Elle peut faire des suggestions au Gouvernement pour toutes les lois sociales et même en matière fiscale.»
La Commission nationale paritaire du spectacle est officiellement installée le 12 août 1947. Un projet de contrat-type est déposé lors de la séance du 6 mars 1951. Le 19 janvier 1962, les employeurs déclarent «qu'une grande erreur est à la base de ces contrats-types. Ils ne peuvent imaginer un contrat-type applicable à tous les artistes. De plus, pas une ligne ne convient aux différents théâtres représentés et ces contrats-types ne leur semblent même pas la peine d'être discutés.»
Le 6 novembre 1964 (vingt-six ans ont passé depuis le premier examen de la question), on discute toujours des contrat-types. Les arguments ont changé: on ne parle plus de l'impossibilité de trouver des règles minimales valables pour tous, on fait appel à des arguments financiers et politiques: «Nous ne sommes pas les véritables patrons, nous dépendons des pouvoirs publics.»
Le 25 mars 1968 on fait pour la première fois allusion à la constitution d'un groupe de travail chargé de mettre au point un projet de convention collective applicable aux théâtres dramatiques. Un projet est déposé par les délégations syndicales dans le courant du mois de mai 1968.
Après de nouveaux blocages, le 5 mai 1970, les comédiens occupent le cabinet du ministre Parisis.
Le 20 décembre 1974, l'Assemblée générale des travailleurs du spectacle CGSP donne mandat aux délégués qu'elle vient d'élire de commencer «une escalade d'actions pouvant aller jusqu'à la grève totale si ses revendications concernant la convention collective n'aboutissent pas et continuent de se heurter à l'inertie concertée de certains directeurs de théâtre et de représentants des pouvoirs publics.» Le 4 mars 1975, un préavis de grève est déposé dans tous les théâtres. Du 18 au 29 mars, la grève prend la forme symbolique qui consiste à retarder d'un quart d'heure le début des représentations: les acteurs informent le public et font signer des pétitions[2].
Monsieur Jean-Louis Luxen, chef de cabinet du Ministre Henri-François Van Aal convoque une Table ronde qui réunit toutes les parties concernées: Ministère des Finances, de la Culture, de l'Emploi et du Travail, directeurs et travailleurs. La mission de cette Table ronde est de reprendre en charge les travaux de la Commission paritaire et d'arriver, avec la garantie des pouvoirs publics, à un accord sur l'application effective d'une convention collective.
Les directeurs de théâtre sont invités à communiquer lčétat de lčemploi et des salaires dans leurs maisons respectives au cours de la saison 1974/1975. Il résulte des chiffres mis sur la table que, pendant la saison en question, le Théâtre National et les théâtres agréés (cinq à lčépoque) nčoccupaient à lčannée que 15 % des comédiens. Le reste (85%) faisait partie dčune réserve de chômeurs dans laquelle on venait puiser selon les nécessités des différentes productions. 58 % des comédiens au cachet (soit presque la moitié de lčensemble) ont gagné, quand ils étaient engagés, moins de 60.000 frs[3] brut par mois (en francs dčaujourdčhui).
Tout cela, compte non tenu des théâtres non agréés (où la situation était sans doute plus catastrophique encore).
Les chiffres étalés sur cette Table ronde révèlent aussi des écarts de salaires pouvant aller de 12 à 100 (!):
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Une prestation |
1.428 |
13.152 |
Un mois |
40.003 |
270.021 |
Une année |
425.179 |
3.472.867 |
soit, par mois |
35.431 |
289.405 |
Le 20 octobre 1975: installation de la Commission paritaire "rafraîchie". Le texte de la convention collective est examiné, tous les articles sont approuvés, sauf (on s'en doutait) les articles à implication financière, qui sont renvoyés pour examen à un groupe de travail.
Le 4 mai 1976, à l'appel de leurs syndicats, les travailleurs sont dans la rue Belliard, devant le Ministère de lčEmploi et du Travail, afin de soutenir leurs délégués; cette manifestation s'accompagne (forcément...) d'un arrêt de travail d'une heure, de 14 h 30 à 15 h 30. A l'intérieur des bâtiments, sur les bancs patronaux, c'est l'indignation. Les patrons déclarent: «A l'instigation des organisations syndicales, certains comédiens ont quitté leur travail, ce 4 mai, sans autorisation et sans même prévenir les directions intéressées. Dans ces conditions, les membres de la délégation patronale considèrent que leur place est dans leur théâtre. Ils regrettent de ne pas pouvoir participer à la réunion paritaire» et quittent la séance. «Le Président de la Commission paritaire s'indigne de ce départ, estimant que l'arrêt de travail de certains travailleurs ne doit en rien entamer les négociations.» Il ajoute que «sur le plan de l'usage des réunions, une telle pratique ne s'est jamais manifestée et n'a jamais eu lieu.»
La suite fait irrésistiblement penser au "jeu de la poire": un ministre et un directeur se renvoient une balle par-dessus la tête d'un troisième partenaire, plus petit, le travailleur.
LE MINISTRE - Les engagements seront toujours régis par le droit social et appellent la conclusion d'une convention collective. Nous facilitons l'amélioration du statut, mais le Ministère ne peut se substituer aux employeurs. (Réponse du Ministre Van Aal au député Madame Lucienne Mathieu-Mohin, lors du Conseil culturel du 7 novembre 1976.)
LE TRAVAILLEUR - ...
LE DIRECTEUR - Pour que les employeurs puissent accepter les termes de la nouvelle convention collective, les charges financières supplémentaires dues à son application doivent être couvertes par un subside supplémentaire du Ministère de la culture française. (Intervention de Monsieur Jacques Huisman lors de la Commission paritaire du 31 janvier 1977.)
Or le chef de cabinet Jean-Louis Luxen, qui assistait aux réunions de la Commission paritaire entre le 4 mai 1976 et le 21 mars 1977, ne cessait de donner des garanties quant à l'octroi des subventions nécessaires à l'application de la convention.
Mais ici on assiste à un nouveau jeu, inspiré du "Dictateur" de Chaplin, la fameuse scène des spaghettis, quand Hitler et Mussolini se font des politesses.
LE CHEF DE CABINET - Signez d'abord!
LES DIRECTEURS - D'abord les sous!
Il est peut-être temps maintenant de parler du contenu de cette fameuse convention, pour (ou se résoudre à ne pas) comprendre ce qui justifie les réticences du banc patronal.
Seuls les acteurs sont concernés. Pas un mot sur les techniciens, ni sur le personnel administratif.
Les acteurs sont divisés en trois catégories, en tenant compte exclusivement de lčimportance des rôles confiés, sans préjudice toutefois de lčâge et de la carrière de lčacteur (cčest contradictoire!...) Il existe deux tarifs différents, suivant que lčacteur est engagé au mois ou à lčannée.
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Premier plan |
25.000 |
240.000 |
Deuxième plan |
18.000 |
180.000 |
Troisième plan |
12.000 |
120.000 |
Ce qui donne aujourdčhui[4]:
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Premier plan |
105.000 |
1.008.000 |
Deuxième plan |
75.600 |
756.000 |
Troisième plan |
50.400 |
504.000 |
Le défraiement repas était égal à 15O frs, ce qui donne aujourdhui 630 frs[5].
Le projet de convention contenait aussi lčexigence dčun minimum de comédiens à lčannée, selon la catégorie du théâtre. Cčest ainsi que le Théâtre National devait entretenir une troupe de 21 hommes et de 9 femmes à lčannée, les théâtres agréés (catégorie qui nčexiste plus aujourdčhui), 15 et 6!
Une proportion était fixée entre le nombre dčacteurs de premier plan et les autres...
Il était fait référence aussi à la carte dčacteur professionnel, avec lčinterdiction dčengager plus de 15 % de comédiens non détenteurs de la carte: ceci était destiné à lutter contre la concurrence déloyale des «amateurs marrons» (comme on disait à lčépoque) et des comédiens «hors marché commun».[6]
Après le 21 mars 1977, il n'est plus question de convention collective à la Commission paritaire du spectacle: le 7 juin 1979, un nouveau thème est proposé à la réflexion des membres: il s'agit de débattre de l'opportunité d'étendre le champ de compétence de la commission aux marchands forains et aux travailleurs occupés dans les hippodromes. Je ne sais plus quelle a été la décision sur ce point particulier, mais je me rappelle qu'en 1978, les travailleurs du spectacle (et principalement ceux qui travaillaient dans le "Jeune théâtre" de l'époque) ont décidé, après très exactement quarante ans de patience, de laisser les adultes jouer au ballon tout seuls et d'aller négocier avec des patrons plus jeunes et plus progressistes.
Plusieurs réunions de travail ont lieu dans le courant de lčannée 1977, pour élaborer un texte de convention à proposer aux jeunes directeurs. Une assemblée générale des travailleurs occupés dans les «Jeunes compagnies» a lieu le 20 décembre 1977, elle adopte le texte de convention collective et, sur proposition de Gilles Lagay, désigne Nicola Donato et Alexandre von Sivers comme négociateurs.
La première séance de négociation a lieu le 24 janvier 1978, à 10 heures. La seconde a lieu le même jour, à 20 heures 30. Y participent Marc Liebens, Patrick Roegiers, Philippe Sireuil; Philippe van Kessel nča pas pu être contacté à temps. Les vingt-huit articles sont examinés, discutés, précisés, des amendements sont proposés. Le procès-verbal recueille les impressions générales dans les termes suivants:
Les deux parties, suite à des contacts pris au ministère de la Culture, ont le très net sentiment que le texte qučelle signeraient en commun pourrait servir de base au cahier de charges que le ministère de la culture imposerait aux théâtres subventionnés.
Cette convention ne se présente donc aucunement comme un document qui «creuse le fossé» entre les travailleurs et les 4 animateurs qui le signent, mais comme un «cheval de Troie commun» destiné à faire respecter des conditions de travail minimales.
La délégation syndicale constate que les points dčachoppement avec les animateurs résident plus dans les questions qui concernent la limitation et la répartition du temps de travail que dans celles qui concernent la rémunération et les défraiements.
Pendant le mois qui suit, les animateurs formulent encore quelques remarques par écrit, et le syndicat tient une assemblée générale le 27 février: on discute des amendements proposés et on émet le souhait que la convention soit précédée dčun préambule qui insiste sur la notion de droit à la création.
Lors de la deuxième réunion de négociation, le 20 avril 1978, Marc Liebens et Philippe Sireuil signent le texte séance tenante et y vont même dčun petit laïus, le premier soulignant lčimportance politique, sociale et artistique de cette signature, le second se joignant à cette déclaration et insistant sur le fait qučil vaudrait mieux être plus de deux à signer. Philippe van Kessel demande un temps de réflexion, expliquant qučil est en voie dčagréation et que sa signature pourrait être considérée comme un acte irresponsable. Il signera quelque temps plus tard. Patrick Roegiers, absent à cette réunion, signera le 8 mai 1978.
Lčesprit qui animait les signataires de lčépoque se retrouve dans le préambule de la convention, sous forme de déclaration de principe:
Les parties signataires sčengagent à sčinformer mutuellement, afin de défendre auprès des pouvoirs subsidiants, lčesprit de cette convention collective de travail.
Et ce, notamment, afin dčacquérir et conserver une plus grande liberté dčexpression, afin de susciter et garantir lčexistence de compagnies théâtrales permanentes viables, afin de créer et développer de véritables droits à la création.
Dans le courant de mai 1978, le texte est proposé à Martine Wijckaert, directrice du Théâtre de la Balsamine: cela a donné lieu à des échanges de vues intéressants, dont jčai gardé la trace, mais nča pas pu déboucher sur une signature.
Au cours de lčannée 1980, trois rencontres ont lieu à Louvain-la-Neuve (le 23 janvier, le 12 février et le 18 mars), avec Jean-Pierre Bras, administrateur de lčAtelier théâtral (le directeur Armand Delcampe étant requis par des tâches plus importantes). Les articles sont discutés avec une courtoisie[7] qui nčempêche aucunement la technicité et, à la troisième rencontre, Jean-Pierre Bras, avec un charmant sourire, nous annonce que lčAtelier théâtral nčest pas en mesure de signer cette convention. Les choses en sont restées là.
Et c'est ainsi que la Convention dite des "Jeunes compagnies" a été signée en 1978. Bien sûr, elle n'obligeait que ceux qui l'avaient signée, mais elle a servi - et elle sert encore - de référence.
La "jeune" convention s'inspire assez largement du projet de texte élaboré dans les années 70 en Commission paritaire du spectacle. Elle en diffère cependant sur trois points essentiels:
- elle abandonne le principe d'un minimum de comédiens à l'année;
- elle ne fait plus référence à des rôles (qui finissent par devenir des acteurs) de premier, de deuxième ou de troisième plan;
- elle concerne tous les travailleurs du spectacle, aussi bien les artistes, que les techniciens et les administratifs.
A partir du moment où la notion de «plan» était abandonnée, il nčétait plus question que dčun minimum salarial unique, (ce qui nčempêchait personne de négocier individuellement un salaire plus élevé). Ce minimum était égal à 150 % du minimum vital en vigueur dans les services publics, cčest-à-dire
- 23.263 frs en janvier 1978 x 1.50
- 34.894 frs qui deviennent
- 75.942 frs au 1er juin 1999, en fonction de lčévolution des rémunérations dans la fonction publique[8].
La convention règle encore dčautres questions, telles que la durée du travail, les jours de repos, les horaires, les heures supplémentaires, les indemnités et défraiements, les tournées à lčétranger, les enregistrements des spectacles, les libertés syndicales, le règlement des litiges.
Le même texte (à peu de choses près) est signé le 31 janvier 1986 au Rideau de Bruxelles, après trois séances de négociation.
Il est signé le 2 juin 1987 au Théâtre national, après plus d'un an de négociation et un préavis de grève[9]. Une importante modification y est apportée: cčest lčintroduction de cinq catégories salariales différentes, ce qui donne le tableau suivant, toujours en référence au minimum vital en vigueur dans les services publics.
Minima mensuels bruts:
1. Artistes[10] |
75.942 |
150 % |
2.Techniciens, administratifs avec «responsabilités» |
75.942 |
150 % |
3. Autres techniciens de plateau |
71.386 |
141 % |
4. Autres techniciens dčatelier |
70.373 |
139 % |
5. Autres administratifs |
66.829 |
132 % |
Il est signé au Théâtre royal du Parc le 31 août 1989. Deux modifications sont apportées au texte. La première concerne le nombre de représentations qui peut être demandé au comédien sur une durée dčun mois. Alors que le texte limitait ce nombre à 25, il est question ici, à condition que toutes ces représentations aient lieu au siège, de 30 représentations en 40 jours.
La deuxième modification concerne la rémunération des engagements dčune durée inférieure à un mois: plus un engagement est court, plus il doit être rémunéré.
Une signature intervient au Théâtre de la Place, à Liège le 10 janvier 1997 (après une grève sur les répétitions du spectacle «Liliom»: le directeur-metteur en scène s'est un jour retrouvé tout seul dans la salle de répétition), ainsi qu'au Groupov. Modifications importantes: les signataires sčengagent, en cas de co-production, à imposer le respect de la convention à leur co-producteur.
Au Centre dramatique hainuyer, malgré le refus exprimé le 21 avril 1998 par le Conseil d'administration, le texte est signé le 4 mai par la direction, suite à des actions syndicales menaçant les représentations liégeoises de «Sainte Jeanne des Abattoirs».
Voici, dans lčordre chronologique, la liste des principales signatures à ce jour[11]:
1978 |
- Marc Liebens pour L'Ensemble théâtral mobile |
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- Philippe Sireuil pour le Théâtre du Crépuscule (auquel a succédé le Théâtre Varia) |
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- Philippe van Kessel pour l'Atelier Sainte-Anne |
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- Patrick Roegiers pour le Théâtre Provisoire[12] |
1986 |
- Claude Etienne pour le Rideau de Bruxelles |
1987 |
- Jean-Claude Drouot pour le Théâtre National |
1989 |
- Yves Larec pour le Théâtre Royal du Parc |
1997 |
- Jean-Louis Colinet pour le Théâtre de la Place |
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- Jacques Delcuvellerie pour le Groupov |
1998 |
- Pierre Bolle pour le Centre dramatique hainuyer[13] |
Les théâtres ayant signé une convention avec les syndicats reçoivent plus de la moitié des subsides accordés à lčensemble des théâtres «contrat-programmés». Cčest ce que montre le tableau de la page suivante [14]:
INSTITUTIONS THEATRALES |
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Théâtre National[16] |
165.900.000 |
165.900.000 | |
Atelier théâtral de Louvain-la-Neuve |
47.600.000 |
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Rideau de Bruxelles |
44.300.000 |
44.300.000 | |
Théâtre Varia |
41.500.000 |
41.500.000 | |
Compagnie des Galeries |
34.200.000 |
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Nouveau Théâtre de Belgique |
32.300.000 |
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Théâtre de la Place |
29.000.000 |
29.000.000 | |
Théâtre de Poche |
19.100.000 |
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Théâtre de l'Ancre |
19.000.000 |
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Théâtre 140 |
18.000.000 |
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Centre Dramatique Hennuyer |
17.800.000 |
17.800.000 | |
Théâtre Royal du Parc[17] |
15.700.000 |
15.700.000 | |
Atelier Sainte Anne |
15.660.000 |
15.660.000 | |
Plan K |
13.900.000 |
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Centre Théâtral de Namur |
12.400.000 |
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Comédie Claude Volter |
11.600.000 |
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Théâtre de la Balsamine |
11.500.000 |
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Ensemble Théâtral Mobile |
11.400.000 |
11.400.000 | |
Baladins du Miroir |
9.800.000 |
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Compagnie Yvan Baudouin |
9.600.000 |
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Théâtre de la Vie |
7.700.000 |
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Théâtre Poème |
7.200.000 |
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Théâtre de l'Equipe |
6.300.000 |
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Théâtre Arlequin |
4.800.000 |
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Théâtre Océan Nord |
4.700.000 |
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Groupov |
4.700.000 |
4.700.000 | |
Théâtre de l'Eveil |
3.100.000 |
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608.760.000 |
345.960.000 | |
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L'histoire n'est pas finie, elle ne fait peut être que commencer, ou alors reprendre un cours interrompu en 1978 (21 ans déjà...).
Les négociations ont repris en groupe de travail francophone de la Commission paritaire. Les représentants des employeurs et des travailleurs se sont mis dčaccord sur le texte suivant:
«Les partenaires sociaux sčengagent à conclure une convention collective de travail applicable à lčart dramatique dčexpression française pour la date du 31 décembre 1999, qui tienne compte
- des conventions et des accords dčentreprise existants;
- des possibilités budgétaires et de leur nécessaire évolution.
Sčil nčen était pas ainsi, les conventions dčentreprises existantes continueront à sčappliquer telles quelles.
Fait à Bruxelles, le 18 mai 1999»
Beau début, nčest-ce pas? Mais à part ça, les positions restent encore très éloignées. Qučon en juge par le tableau suivant. Il sčagit de minima salariaux, le tableau des barèmes suivant lčancienneté, proposé par les représentants patronaux, avait déjà été rejeté par les syndicats[18].
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Fonctions dirigeantes |
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Cadres supérieurs |
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Cadres subalternes |
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Formation, autonomie |
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Artistes débutants |
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Artistes |
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Fonctions subalternes |
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? |
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La catégorie IV b concerne les artistes: pour nous, il y a lieu de déterminer un âge pivot (par exemple 29 ans) pour le passage du MOINS au PLUS; les patrons préfèrent parler dčune ancienneté qui commence à courir à partir du premier contrat professionnel, quel que soit lčâge[19]: le passage à la catégorie PLUS se faisant au bout de la cinquième année.
I. Les représentants patronaux ont estimé inutile de fixer un minimum pour cette catégorie, en quoi les représentants syndicaux les approuvent tout à fait, qui pensent qučil faudrait plutôt fixer un maximum.
II. Cadres supérieurs: pas de divergence de vue.
III. Fonctions de cadres subalternes: mais le metteur en scène devrait plutôt glisser dans la catégorie IV b.
IV. Fonctions accordant une plus grande autonomie ou exigeant une plus grande formation: les fonctions artistiques devraient glisser vers la catégorie IV b; ne resteraient ici que les «artistes dčensemble».
V. La notion de fonctions subalternes ne devrait pas poser de problème dčinterprétation: il sčagit de tâches de simple exécution.
? Il nous restait une catégorie à 132 %, dont nous ne savons plus que faire dans la catégorisation proposée par les représentants patronaux.
Les patrons nous disent qučils nčiront pas au-delà des chiffres exprimés aujourdčhui. Nous, nous ne disons rien: nos chiffres résultent de conventions déjà existantes, et que nous nčavons aucune raison de brader.
Telle était la situation au 1er juin 1999.
Suite au prochain numéro.
Sources:
Procès verbaux de la Commission paritaire du spectacle
Archives syndicales
Notes et souvenirs personnels
Pour un historique plus complet voir
Michel Jaumain et Alexandre von Sivers, Le satut de lčacteur dramatique dans la Communauté française de Belgique, Courrier hebdomadaire du CRISP, Bruxelles, 1982.
Alexandre von Sivers, Un statut, pour quoi faire?, dans En scène pour demain, édité à l'occasion du 60e anniversaire de l'Union des artistes, Presses de la Bellone, [Bruxelles, 1988] .
Alexandre von Sivers,
Comédien
Membre F.G.T.B de la Commission
paritaire du spectacle
Bruxelles, le 23 juillet 1999
[1] On trouvera la liste des commissions paritaires à la date du 1er janvier 1997 dans le Moniteur belge du 27 juin 1997. La Commission paritaire du spectacle porte le n° 304: elle voisine avec les commissions paritaires des ports, de lčindustrie hôtellière, de lčindustrie cinématographique, des services de santé, du secteur socio-culturel...
[2] Même si lčagitation sociale de lčépoque nča pas permis la conclusion dčune convention collective, il est légitime de penser qučelle nčest pas pour rien dans lčadoption de lčarrêté royal du 20 juin 1975 portant des mesures dčencouragement en faveur du jeune théâtre.
[3] 21.000*127.21/44.52 (index juin 1999/index moyen de lčannée 1974 en base 1988): le coefficient de conversion est donc 2.8573674.
[4] Je divise lčindex de juin 1999 en base 1988 par lčindex moyen de lčannée 1967 en base 1988: 127.21/30.31=4.1969646, disons, 4.20, qui constitue donc le coefficient de conversion.
[5] Ça tombe bien: le chiffre résultant des conventions actuellement en vigueur est 635 frs!
[6] LčArrêté royal du 10 septembre 1968 fixant les conditions dčoctroi du titre dčacteur professionnel existe toujours, mais la Commission dite du Statut de lčacteur, chargée de délivrer les cartes professionnelles, ne sčest plus réunie depuis des lustres. Personnellement, je ne connais que deux acteurs détenteurs de cette fameuse carte.
[7] Cette courtoisie nča cependant pas fait obstacle à une correspondance assez salée entre le délégué Donato et le directeur Delcampe.
[8] La simple liaison à lčindice des prix à la consommation aurait donné 73.467 frs. Ce nčest pas pour rien (pour 2.475 frs exactement au bout de 21 ans!) que nous avons voulu lier nos salaires à ceux des fonctionnaires.
[9] La grève menaçait la représentation du 24 mars 1987, première bruxelloise du «Coriolan» de Shakespeare, monté par Jean-Claude Drouot, qui y tenait aussi le rôle titulaire. Le spectacle avait déjà été présenté à Rennes, à Reims et à Saint-Etienne: la représentation du 24 à Bruxelles devait revêtir un lustre particulier. Le matin même, personne nčétait łjoignableČ. Quand on eut annoncé à la secrétaire de direction qučil nčy aurait pas de représentation le soir, immédiatement le téléphone se mit à sonner et une rencontre a pu avoir lieu à 17 heures entre les délégués syndicaux, Robert Delville, président du Conseil dčadministration (il nous a dit: «Vous savez ce que vous faites.»), Jean-Claude Drouot, directeur et Robert Vannueten, administrateur général. Quatre articles de la convention étaient signés immédiatement et Coriolan pouvait entrer en scène.
[10] Cčest Jean-Claude Drouot qui a tenu à ce qučil y ait une catégorie «Artistes», alors même que le montant de rémunération est le même que celui de la catégorie «inférieure».
[11] Dčautres compagnies ont signé le texte, telles que le Théâtre de la Communauté à Seraing, un certain nombre de théâtres pour enfants et de théâtres-action, mais je nčai pas ces textes sous les yeux au moment de rédiger.
[12] Tellement provisoire, qučil nčexiste plus aujourdčhui. Voir lčinterview de Patrick Roegiers dans le n° 3 (décembre 1997) de «Or not», bulletin des Etats généraux dčun jeune théâtre. Les réponses impertinentes de Roegiers (il nča plus rien à perdre ni à gagner à Bruxelles) sont savoureuses et jettent sur toute cette époque une lumière particulière.
[13] Hainuyer ou Hennuyer: jčai vu les deux orthographes.
[14] Dčaprès lčétude réalisée en 1997 par lčasbl PEPCAS-JC, sous la direction de Serge Rangoni et Benoït Vreux.
[15] CCT = Convention collective de travail.
[16] Faut-il (ou ne faut-il pas) y ajouter une dotation de la Loterie nationale?
[17] Il faut y ajouter une importante subvention de la Ville de Bruxelles.
[18] Les barèmes à lčancienneté peuvent avoir comme résultat pernicieux que des jeunes compagnies sans beaucoup de moyens ne pourraient plus engager des acteurs chevronnés (et que des acteurs chevronnés risquent de voir se raréfier les propositions même dans les théâtres bien pourvus!). Les patrons voulaient nous «vendre» ce tableau qui commençait avec des minima très bas (51.400 en catégorie V, 56.700 pour les artistes) en échange dčaugmentations biennales dont tout le monde sait qučelles nčont aucun sens dans des professions aussi fragiles que les nôtres. Nous préférons des minima plus élevés, laissant le reste à la négociation individuelle.
[19] Quid de Jackie Cogan, de Shirley Temple et de Jean-Pierre Léaud?